De la période qui précède l’arrivée des Européens, il ne reste rien. En particulier, le palais des sultans de Malacca fut brûlé par les Portugais. Aussi le bâtiment que l’on peut voir aujourd’hui est-il une construction récente, pas nécessairement fidèle, si l’on en croit Hwang Chung, un voyageur Chinois à Malacca au début du XVIème siècle juste avant l’arrivée des Portugais (Words about the Sea) :
« Le roi vit dans une maison dont la partie avant est recouverte de tuiles, qui ont été apportées jusqu’ici par l’eunuque Cheng Ho pendant le règne de Yung Lo (1403-1424). Les autres bâtiments reprennent tous la forme de halls impériaux et sont ornés de feuille d’étain… »
Ou bien encore si l’on en croit Tun Bambang à qui l’on attribue la version la plus ancienne (Malay Annals), postérieure à l’arrivée des Portugais qui est depuis 2001, inscrite au Registre de la Mémoire du Monde de l’Unesco :
« Le palais avait dix-sept travées, chaque espace entre les piliers étant de dix-huit pieds (environ six mètres), avec des piliers d’une circonférence d’une brassée d’homme; le toit avait sept niveaux (avec sept pinacles). Entre il y avait des dômes, et chaque dôme était percé d’une lucarne, son toit aux angles droits se terminant par des crochets élancés, tous sculptés. Entre les flèches, il y avait un travail de treillis à la décoration pendante et pyramidale. Toutes les flèches étaient dorées et leurs extrémités étaient en verre rouge, de telle sorte que dans la lumière du soleil elles rayonnaient comme du feu. Tous les murs avaient des avant-toits et de grands miroirs chinois y étaient incrustés qui brillaient au soleil comme des éclairs éblouissant la vue… Si délicat était le travail de ce palais, qu’aucun autre palais royal dans le monde, à cette époque ne pouvait lui être comparé. On lui donna le nom de malhigai, son toit était en bardeau de cuivre et de zinc. »
Toujours au pied de la colline, il faut prendre le temps de s’assoir à l’ombre d’un Emblica officinalis et lire la légende fondatrice (Malay Annals ou Sedjarat malayou) :
« Comme le roi, qui chassait, se tenait sous un arbre, l’un de ses chiens fut frappé par un chevrotin blanc. Alors le Sultan Iskandar Shah dit : « C’est un bon endroit, où même les chevrotins sont plein d’ardeur combattante ! Nous ferons bien de fonder une cité ici. » Et les chefs répondirent : « C’est en vérité comme votre Altesse le dit. » La dessus, le Sultan Iskandar Shah ordonna qu’une cité fut fondée, et il demanda : « Quel est le nom de l’arbre sous lequel je me tiens ? » Et tous de répondre : « On l’appelle Malaka, votre Altesse; » ce à quoi il répliqua : « Alors Malaka sera le nom de cette cité. »
C’est une hypothèse, elle est vraisemblable. C’est en effet commun ici de nommer un lieu d’après l’arbre qui s’y trouve en abondance. Ainsi Ipoh, Petaling, Penang, Redang, Salak, Sepang, Tampines ou bien encore Upeh… sont des arbres ou des palmiers.

W. Somerset Maugham.
C’est en compagnie de Somerset Maugham, devant le Club de Malacca, reconstruit en 1911 avec l’argent du caoutchouc, l’or blanc de ce temps là que nous terminerons la première partie de cette promenade (Les empreintes dans la jungle).
« Le club donne sur la mer ; c’est un édifice spacieux mais délabré ; il a cet air négligé qui, quand vous entrez vous donne l’impression d’être importun. A vrai dire on dirait qu’il est fermé, pour rénovations et travaux, et que vous avez profité d’une porte ouverte pour vous introduire là où vous n’êtes pas le bienvenu. Le matin vous pouvez y trouver deux ou trois planteurs, venus de leur plantation pour affaires, et qui prennent un gin-sling avant de repartir ; et plus tard dans l’après-midi, on peut voir une ou deux dames qui feuillettent furtivement des numéros anciens de l’« Illustrated London News ». A la tombée de la nuit, quelques hommes viennent y flâner et s’asseoir dans la salle de billard pour regarder la partie en sirotant des sukus. Mais le mercredi il y a un petit peu plus d’animation. Ce jour-là on met le phono en marche dans la grande salle du premier étage et les gens viennent des environs pour danser. Il n’y a parfois pas moins d’une douzaine de couples et l’on peut même organiser deux tables de bridge. »
Pied de nez post-colonial, le vieux club abrite aujourd’hui le Mémorial de la Proclamation de l’Indépendance.
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