Selangor Littéra-Tour (4/5)

C/ De ce qu’il importe de faire et de voir

Je me limiterai ici à l’itinéraire suivi par la famille Fauconnier. J’omettrai Penang dont la famille ne dit pas un mot, pour présenter d’abord Singapour. Ensuite nous remonterons vers le Selangor et la capitale Kuala Lumpur. Puis j’évoquerai une raison importante de venir en Malaisie, la chasse.

Singapour ou « le Carrefour », c’est aussi le premier contact avec la Chine… Le port se trouve à trois kilomètres au sud de la ville, où un taxi, une petite voiture à cheval ou un pousse-pousse vous emmène au trot. Un pousse-pousse de première classe ne prend qu’un passager et son bagage à main.

Tous les guides de voyages sont unanimes sur la visite de Singapour. Il faut voir l’Esplanade bordée de l’hôtel de ville et de la cathédrale anglicane, la bibliothèque et le musée Raffles, la cathédrale catholique, et le jardin botanique. Au-delà on peut découvrir les jardins et les villas européennes, le champ de course et les réservoirs. On pourra également parcourir les quartiers indigènes. Plus typique, la Far Eastern Travel Agency propose en 1911 dans son Information for Travellers Landing at Singapore, de voir Singapour de nuit, à partir de 21h00, en pousse-pousse (avec des pneus en caoutchouc pour un plus grand confort), incluant la ville chinoise, avec ses bars, ses clubs et ses fumeries d’opium, les théâtres chinois et malais, la ville indienne avant de vous ramener à votre hôtel ou à votre navire. Pour ceux qui disposent d’un peu plus de temps les guides proposent une excursion à Johor, le « Monte-Carlo malais » si on en croit le Guide du Voyageur. Une belle route de vingt kilomètres jusqu’au nord de l’île et une traversée d’un quart d’heure en chaloupe à vapeur vous amène à Johor Bahru enfouie sous la verdure, la résidence du Radjah est un grand chalet meublé à l’européenne, avec un grand hall de réception, dans la ville chinoise voisine, ses salles de jeux attirent les riches négociants Chinois et Européens.

An Official Guide to Eastern Asia vol. V East Indies des Chemins de fer japonais en 1915 et celui des Chemins de fer des États Fédérés Malais proposent les visites les plus complètes de Malacca. Le pousse-pousse est parfaitement adapté à la découverte de cette petite ville chargée d’histoire. Les maisons d’Heeren Street sont décrites avec précision. De l’autre côté de la rivière, il est question de l’argenterie de l’église du Christ, du Makara de la mythologie hindoue, de la curieuse architecture de la Porte hollandaise. Plus loin depuis la colline St Jean où se trouve un vieux fort hollandais, on peut apercevoir le Mont Ophir de la Bible. En rentrant en ville on verra les ruines de la vieille église St Laurent.

Port Dickson est mentionnée comme une station balnéaire possédant une Resthouse. Un peu plus au nord est mentionnée la plage de Morib, mais les navires à vapeur n’y font pas escale et elle ne possède pas d’hébergement.

L’escale de Klang est mentionnée. C’est le port d’accès à Kuala Lumpur et à ses mines d’étain puis un peu plus tard de ses plantations de caoutchouc. Avant de se déplacer à Kuala Lumpur, c’est là où l’administration britannique s’est d’abord installée, et où le sultan du Selangor est venu la rejoindre en 1905.

Mais à partir de 1901, les navires à vapeurs ne remonteront plus la rivière jusqu’à Klang. Le nouveau port situé plus en aval s’appelle Port Swettenham. Son seul intérêt est d’être le nouveau point de transit.

Carte postale de l’esplanade à Kuala Lumpur.

Cuthbert Harrison écrit en 1910 que Kuala Lumpur a « les avantages de la grande ville, comme Penang et Singapour, sans en avoir les inconvénients : embouteillage, poussière, chaleur, bruits, odeurs… » Il la surnomme « la ville rose », de la couleur des briques des bâtiments du gouvernement et des pavés de latérite qui couvre les rues, ou bien encore « la ville jardin » avec son champ de course, ses terrains de golf et de polo, ses deux clubs et ses jardins.

Comme à Singapour, la visite obligatoire est consacrée aux réalisations coloniales. Un tour panoramique couvre la très originale gare ferroviaire, les bâtiments autour du padang (l’esplanade)2, et puis les jardins, inaugurés en 1899 autour desquels on trouve le Club du Lac, Carcosa, la résidence du gouverneur et à partir de 1908 le musée du Selangor riche de ses collections d’histoire naturelle et de sa collection de kriss. L’opposition rive droite, rive gauche est ici très marquée. De l’autre côté de la rivière, on trouve les marchés indigènes, les maisons et les temples des Chinois.

L’excursion la plus populaire à l’extérieur de la ville dans tous les guides est incontestablement celle des grottes de Batu, situées à 12km au nord, on peut y aller en train. On grimpe vers la première grotte en forme de dôme, puis on continue vers la seconde à ciel ouvert. En redescendant on peut visiter la grotte obscure traversée par une rivière, et encore quelques autres grottes de moindre importance. Si les Indiens ont consacré la grotte en forme de dôme au dieu Murugan dès la fin du XIXème siècle, les guides n’en font pas mention et il n’y a pas encore d’escalier pour y accéder.

Vient ensuite l’excursion aux sources d’eau chaude de Dusun Tua, situées à 26 km à l’est de Kuala Lumpur, au bord de la rivière Langgat. Elles sont équipées de deux bungalows.

Si la station d’altitude de Fraser’s Hill ne verra le jour qu’en 1922, c’est au début du siècle qu’a été ouverte la route vers le Pahang et que fut construite une Resthouse au sommet du col, The Gap, à 800 mètres d’altitude. Au pied de la chaine de montagne à 10 kilomètres de Kuala Kubu Baru se trouve le point d’accès vers Bukit Kutu ou Treacher’s Hill (ex-résident britannique qui grimpa la colline en 1893). Située à 1053 mètres, c’est une des plus petites stations d’altitude de Malaisie. La vue y est superbe et le climat relativement sec. Le premier bungalow fut construit en 1895, et on en ajouta un second en 1904 (voir Robert Aiken dans Imperial Belvederes, The Hill Stations of Malaya en 1994).

Pulau Angsa ou l’île aux oies n’est mentionnée que dans Twentieth Century Impressions of British Malaya présenté par Arnold Wright en 1908. Située à une vingtaine de kilomètres de Port Swettenham, en face de Kuala Selangor, elle est célèbre pour ses huîtres. Elle est équipée d’une Resthouse.

La chasse occupe une place trop importante dans tous ces guides de voyage pour ne pas être mentionnée ici. On distingue la chasse au gros de la chasse au petit gibier. Les gros animaux dont on peut espérer ramener le trophée sont l’éléphant, le buffle ou seladang, le rhinocéros, le tigre, le cerf, le crocodile et le sanglier. Du côté des oiseaux, les favoris sont le tir à la bécassine, le tir à la sarcelle et le tir au pigeon. Si on pratique peu la pêche, elle n’est pas absente : ainsi, deux pêcheurs ont ramené 68 poisons en une seule journée. Les États Fédérés Malais s’imposent comme un des meilleurs terrains de tir à la bécassine : 609 oiseaux à cinq fusils en une journée ! Dans les brochures de voyages les taxidermistes font de la publicité et proposent leurs services. Ils vendent également des animaux empaillés, pour ceux qui rentrent bredouilles.

Carte postale de la chasse au seladang (Bos gaurus).

Elephant and Seladang Hunting in The Federated Malay States, écrit en 1905 par Theodore Hubback donne tous les conseils aux chasseurs. La tente n’est pas nécessaire, les pisteurs vous construiront un abri en quelques minutes. La protection contre les sangsues est essentielle, sinon la jungle est sûrement moins dangereuse que Regent Street (ou les Champs Élysées).

1. Une belle synthèse impériale : Dieu (l’église Sainte-Marie), le Roi (les bâtiments du gouvernement), et le peuple (The Spotted Dog ou le club de cricket).

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