Selangor Littéra-Tour (4/6)

3/ Le tourisme aujourd’hui

A/ Un pays dangereux

Le tourisme a connu au XXème siècle et continue de connaître un développent sans précédent. C’est sans doute un évènement majeur de nos sociétés post-industrielles et qui ne fait encore que balbutier dans les pays émergents. Le tourisme est devenu un produit de consommation courante dont les produits s’achètent à crédit. Les raisons de voyager se sont multipliées. Si le tourisme à connotation culturelle demeure, si la découverte de nouveaux horizons reste une raison de voyager, telle une peau de chagrin, sa place est de plus en plus marginale. On parle aujourd’hui de tourisme d’affaires, balnéaire, éducatif, gastronomique, médical, religieux, sportif, vert… pour ne citer que quelques unes des nouvelles raisons de voyager. Les mots en « -ing » venus d’Amérique ont bouleversé le paysage touristique : abseiling, camping, caving, diving, golfing, kayaking, snorkeling, surfing, rafting, trekking, etc. Les distances ont considérablement diminuées, l’avion à réaction a remplacé le bateau à vapeur. De la croisière de luxe au voyage avec sac à dos, l’offre touristique s’est considérablement élargie.

À la lecture des « conseils aux voyageurs » prodigués par les chancelleries d’Europe (et d’ailleurs), la Malaisie n’est pas de tout repos. À titre d’exemple sur le site du Ministère des affaires étrangères et du développement international, le 1er mai 2016, on peut lire que :

En ce qui concerne la sécurité, deux zones sont déconseillées car dangereuses : la côte nord-est du Sabah et la frontière thaïlandaise. Il existe une menace terroriste. Il y a de plus en plus de vols et les deux-roues sont suspects. La violence est en augmentation régulière. Il faut se méfier des faux policiers, des boissons droguées et des copies des cartes de crédit. Le trafic de drogue est puni de la peine de mort. Le pays connait des inondations. Il peut être dangereux de fréquenter les cortèges de manifestants. La navigation de plaisance est déconseillée à cause des pirates. Il est recommandé de plonger à proximité d’un centre de secours. Il peut y avoir des tremblements de terre. En outre, à Singapour, il faut éviter de s’approcher des serpents et des varans, et il faut faire attention aux singes agressifs et aux orages violents.

Du côté de la santé, il est fortement recommandé de s’assurer. Au paludisme qui continue à sévir, sont venus s’ajouter de nouveaux maux : la dengue et le chikungunya. La pollution des brumes sèches provoquée par les brûlis de Sumatra a fait son apparition. Il est conseillé de se faire vacciner contre la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite, la fièvre typhoïde, les hépatites virales A et B, l’encéphalite japonaise et la rage. Un siècle plus tard, il ne faut toujours boire que de l’eau filtrée ou bouillie et éviter de manger du « tartare » de viande comme de poisson. Pour éviter la rage, ne vous approchez pas des animaux.

Si l’on en croit ces avis circonstanciés, la Malaisie est devenue beaucoup plus dangereuse qu’il y a un siècle (ou bien les touristes ont-ils perdu tout bon sens ?)

B/ Du bon usage des guides II

On ne débarque plus à Port Swettenham, mais à KLIA (Aéroport International de Kuala Lumpur), et le voyage n’a pas duré un mois mais 12 heures ! Des nombreux guides de voyage disponibles sur le marché, j’ai retenu quatre ouvrages en français pour mesurer le chemin parcouru depuis un siècle, à savoir, l’édition française du Lonely Planet de 2007, Malaisie, Singapour et Brunei ; un classique du genre, Malaisie, modernité et traditions en Asie du Sud-est, de Jérôme Bouchaud, paru en 2010 ; l’édition 2013 du Petit Futé Malaisie-Singapour ; enfin l’incontournable Le Routard Malaisie (sans Bornéo)-Singapour de 2014. Les colons, l’opium et le pousse-pousse ont été relégué dans les oubliettes de l’histoire.

Malaisie, modernité et traditions en Asie du Sud-est, de Jérôme Bouchaud (Olizane, 2010).

Ce qui frappe nos auteurs aujourd’hui : la Malaisie est un pays de contrastes (des tours Petronas à la jungle profonde et de la modernité de Singapour à l’historicité de Malacca) et la Malaisie est un kaléidoscope humain. La Malaisie est un paradis naturel, des récifs coralliens sous la mer, à la disparition de la végétation au sommet du Mont Kinabalu sur l’île de Bornéo, toutes les espèces animales et toutes les strates végétales du milieu équatorial sont représentées. Et puis pêle-mêle, on y trouve des prix abordables, une gastronomie variée et des festivités toute l’année.

Ce qui n’a pas changé un siècle plus tard, un climat chaud et humide toute l’année, la beauté des paysages et la qualité des infrastructures. Ce qui a disparu : la chasse, les mines d’étain, les plantations de caoutchouc et de cocotiers.

Des choses à faire et à voir, je n’ai retenu que Kuala Lumpur et le Selangor, le territoire visité par les Fauconnier.

Kuala Lumpur, la capitale des États Fédérés Malais, est devenue la capitale d’une fédération indépendante : la Malaisie. L’héritage colonial a été mis en valeur autour de la Place de l’Indépendance et dans les Jardins du Lac. Sont venus s’y ajouter la Mosquée nationale et le musée des Arts Islamiques. Le musée du Selangor, reconstruit, est devenu le Musée National. Mais un nouveau Kuala Lumpur est né que résume et symbolise les Tours Petronas d’un côté et de l’autre, Putrajaya, la nouvelle capitale administrative. Les quartiers ethniques de Chinatown avec ses temples, de Little India et de Kampung Baru figurent aujourd’hui en bonne place dans les itinéraires touristiques.

À l’ombre de la ville capitale, le Selangor manque de visibilité. La première excursion à faire reste les grottes de Batu. Mais l’attrait du cadre naturel est passé au second plan, elles sont devenues un des centres religieux les plus importants du pays et sont aujourd’hui indissociables du festival hindouiste de Thaipusam qui rassemble chaque année des centaines de milliers de pèlerins.

Le Selangor s’est doté d’une nouvelle capitale, Shah Alam, et sa « mosquée bleue » attire les touristes.

Tout près de la Maison des Palmes, il est une excursion populaire aujourd’hui que seule Geneviève mentionne dans son roman, ce sont les lucioles qui chaque soir illuminent les rives de la rivière Selangor « comme une double Voie Lactée ».

On va toujours se promener jusqu’aux ruines du fort hollandais sur la colline de Kuala Selangor, mais on se promène aussi dans la réserve naturelle qui l’entoure et le village de pêcheurs de l’autre côté de la rivière s’est couvert de restaurants de fruits de mer.

De nouvelles attractions ont vu le jour. Les bungalows de Bukit Kutu ont été détruits pendant l’occupation japonaise et la vieille cheminée en ruines n’attire plus que les marcheurs capables de grimper pendant quatre heures. La Resthouse du Gap a récemment fermé ses portes, mais une nouvelle station d’altitude qui a vu le jour en 1922, Fraser’s Hill, attire en particulier les orni-guetteurs du monde entier.

L’Institut de la recherche forestière (FRIM), créé en 1925 au nord de Kuala Lumpur, avec ses jardins et ses sentiers est devenu une destination appréciée des amoureux de la nature. Mais la destination la plus populaire, tant pour les Malaisiens que pour les touristes étrangers, à une heure de route de Kuala Lumpur, un des plus grands complexes hôteliers du monde, comptant plus de 8000 chambres, une nouvelle station d’altitude, surgie de la jungle en 1971, est un casino : Genting Highlands !

Klang et son port, devenu Port Klang restent à l’écart des circuits touristiques. Si Pulau Angsa, dont la Resthouse a fermé depuis bien longtemps, n’est plus fréquentée que par les pêcheurs, deux autres îles ont trouvé les faveurs du tourisme : Pulau Carey, dont les sculptures en bois des aborigènes Mah Meri ont mérité le sceau de l’excellence de l’Unesco et Pulau Ketam habitée de pêcheurs chinois, où l’on va manger des fruits de mer.

<  3  –  4  –  5  >