de Martin Bradley
Chien, chat et oiseau se reposent sur une jetée s’avançant
dans les eaux translucides de l’océan.
Parfois ils se chamaillent pour savoir qui
est le maître de la jetée, parfois aussi ils
se contentent de partager
les morceaux de nourriture qu’on y laisse.
Une dispute revenait à décider qui était arrivé
en premier sur la jetée. Le chat, l’allure toujours fière,
se flattait d’être arrivé là
avant les autres, et donc
certainement la jetée lui appartenait. Que les deux
autres restent avec lui n’était dû
qu’à sa bonne grâce.
Bien souvent le chien aboyait et
l’oiseau piaillait que tel n’était pas le cas.
“Moi et mes ancêtres étions là avant”, disait
le chien
“Non les miens d’abord”, répliquait l’oiseau.
“Mais, avec tout mon respect, vous deux faites erreur,
car cette jetée fut mienne et celle de mes ancêtres
longtemps avant que vous n’appreniez même
son existence”, disait le chat, ronronnant
parfois ses mots, les grondant parfois
depuis le fond de sa gorge.
La querelle fit rage par intermittence jusqu’à
ce que le chien se taise, se roule en boule
et laisse le chat et l’oiseau
poursuivre leur joute verbale.
Au fil du temps l’oiseau aussi se tut,
comprenant qu’il était inutile de
se disputer. Tous trois restèrent sur la jetée
à observer d’autres animaux en monter et en descendre,
eux les trois pionniers n’en bougeant point.
Le chat, incapable de tenir sa langue
maintenant que le chien et l’oiseau refusaient le débat,
se mit à discourir seul. Bien souvent il
criait sur les poissons dans la mer, sur les planches
de bois de la jetée, sur la corde qui en liait
les parties.
Tard dans la nuit humide le chat
poursuivit son discours tandis que le chien dormait
et que l’oiseau l’observait, surpris par
l’instinct querelleur du chat.
Un jour que tous trois s’étaient rassasiés
du produit de la jetée, le chat lui aussi
se tut. Il regardait au loin vers l’horizon,
ses yeux scrutant la mer, s’imaginant enfin seul.
Le chien silencieux et l’oiseau attentif
observèrent le chat, échangèrent un regard,
haussèrent les épaules puis l’observèrent encore.
Progressivement le chat se tourna, dévisagea
ses compagnons, et sourit d’un léger sourire en
réalisant que la jetée n’était vraiment la
jetée que lorsqu’eux trois s’y trouvaient.
Le chat s’assit, enroula sa queue autour de lui-même,
content d’être entre amis.
dogcatbird, tiré de la revue Asiatic, Vol. 5, No. 1 (2011).
Traduit et publié avec permission. Copyright © 2011 Martin Bradley.