Tan Twan Eng, un écrivain malaisien pour un prix littéraire britannique ?

Suite à la sélection du dernier roman de Tan Twan Eng, The Garden of Evening Mists, dans la short-list du prix littéraire britannique Man Booker, nous reproduisons ici partiellement l’excellent article de Bertrand Mialaret à son sujet. Nous vous redirigeons vers le site MyChineseBooks.com pour terminer votre lecture, en espérant qu’une traduction française de ce livre à l’atmosphère mystérieuse et envoûtante débarque bientôt sur nos rivages. 

Tan Twan Eng est un écrivain malaisien d’origine chinoise qui partage son temps entre l’île de Penang où il est né et l’Afrique du Sud où il réside. On a parlé, il y a quelques années, de son premier livre, A Gift of Rain, qui n’est malheureusement pas traduit en français. Ce livre avait été remarqué et figurait dans la première sélection du Booker Prize, le Goncourt anglais. Son deuxième roman, très réussi, The Garden of Evening Mists, est un des six finalistes de ce prix.

Un roman comme… un jardin japonais

S’avancer dans un jardin japonais permet de découvrir les différents sous-ensembles, les pierres érigées autour desquelles ils s’organisent. Plus l’on avance, plus l’on découvre d’autres points de vue, de nouvelles perspectives, des secrets à élucider …

L’héroïne, Yun Ling, une « Chinoise des Détroits », très anglicisée, est pendant l’occupation de la Malaisie par les Japonais durant la seconde guerre mondiale, internée dans un camp de travail avec sa sœur qui sera « au service » des officiers japonais et qui ne survivra pas.

Yun Ling, seule rescapée du camp, retrouve à Cameron Highlands en Malaisie, une station d’altitude où l’on cultive du thé, des amis de ses parents et leur voisin japonais, un ancien jardinier de la cour impériale. Yun Ling lui demande de créer un jardin à la mémoire de sa sœur qui était passionnée par ces œuvres d’art. Aritomo refuse mais accepte de prendre Yun Ling comme apprentie pour qu’elle puisse le concevoir elle-même.

Des épisodes successifs, des flashbacks très contrôlés entre le camp japonais puis Cameron Highlands et Aritomo, enfin la période récente (autour de 1986) où Yun Ling, juge à la Cour Suprême, prend une retraite anticipée. Elle veut écrire son histoire et celle de sa sœur avant qu’une maladie neurologique ne la prive de sa mémoire et de sa capacité, après le décès d’Aritomo, à restaurer le jardin « Evening Mists » dans sa splendeur passée.

Des personnages très différents: Yun Ling et sa famille, Aritomo et ses amis japonais, son voisin Magnus, un Boer du Transvaal qui a fui l’Afrique du sud, les policiers chinois et militaires anglais, les ouvriers tamils des plantations et même des aborigènes Semai…

Réalité ou… fiction historique

Les commentaires sur ce livre, publié il y a dix mois, le qualifient généralement de fiction. Ce n’est pas le cas pour l’environnement historique qui est parfaitement rapporté mais cela montre surtout la méconnaissance en Europe, de l’histoire de la deuxième guerre mondiale en Asie et de l’évolution de la Malaisie.

Le Japon envahit la Malaisie à la date de Pearl Harbour (décembre 1941), les militaires et fonctionnaires anglais se replient sur Singapour réputé imprenable. Les 30 000 Japonais du général Yamashita obligent les 85 000 britanniques à se rendre le 15 février 1942.

Rapidement des maquis chinois, dont certains sont dirigés par le communiste Chin Peng, sont renforcés par les forces spéciales britanniques (force 136). Après la fin de la guerre, ces maquis se retournent contre les Anglais qui dans un premier temps veulent rétablir l’ordre colonial.

L’attitude de la population malaise, peu impliquée, est un point assez sensible, mais l’on est surpris que les Malais n’existent simplement pas dans le livre de Tan ; seul l’un d’eux, Hamid, fait en société des déclarations sommaires sur le rôle des « bumiputeras », les fils de la terre, qu’il oppose aux Chinois et aux « Chinois des Détroits » très anglicisés.

Après la guerre, Yun Ling, au tribunal des crimes de guerre, essaie de retrouver la localisation du camp où sa sœur est morte et poursuit de sa haine les tortionnaires japonais dont une petite centaine sera pendue. Il faut aussi noter que le traité de paix avec le Japon, sous la pression des Américains et des Anglais, interdit aux victimes des Japonais, à la différence de celles de l’Allemagne nazie, de réclamer des réparations.

Cameron Highlands s’est développé avec la culture du thé et comme station d’altitude pour les officiels britanniques, mais les maquis chinois entretiennent l’insécurité et les assassinats toucheront certains de nos personnages. Les déplacements massifs de population, la création de « nouveaux villages » aboutit à isoler et à affamer les maquis. Il s’agit d’un des rares cas dans l’histoire d’une victoire militaire contre des maquis communistes.

Tous ces évènements dramatiques conduisent les personnages de ce roman à conserver tous une zone d’ombre qui n’est révélée que très progressivement. Les pillages japonais de la guerre et l’organisation « Golden Lily », dirigée par le prince Chicubi, un frère de l’empereur, donnent au livre des développements imprévus, mais il semble clair que l’or du général Yamashita a joué un rôle important dans le financement de la CIA et du dictateur Marcos aux Philippines…

Poursuivez votre lecture sur MyChineseBooks.com.

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