Rencontre avec Bernice Chauly, curatrice du #GTLF2013

A l’occasion du Festival Littéraire de George Town, qui se déroulera du 29 novembre au 1er décembre prochains, nous partons à la rencontre de Bernice Chauly, écrivain malaisienne et curatrice du festival depuis sa création en 2011. Le jour J approche à grands pas, et malgré un emploi du temps très chargé, elle a gentiment accepté de répondre à nos questions.

Suite à deux premières éditions très réussies, le festival est de retour et il est attendu avec impatience. Sentez-vous la pression monter au fil des jours ? Comment la gérez-vous ?

Bernice ChaulyLa pression monte en effet, tout comme l’excitation ! Plus que dix jours maintenant et j’espère que tout se déroulera comme prévu. L’année dernière nous avions dû faire face à quatre annulations, donc nous croisons les doigts pour que tout le monde soit au rendez-vous cette fois-ci ! Je ne fais pas encore de nuits blanches, mais il m’arrive de rêver du festival. C’est d’ailleurs assez étrange, car les mêmes rêves reviennent en boucle et je me réveille toujours en pensant que le festival est déjà terminé.

Le thème de cette année, The Ties That Bind, fait aussi bien référence à ces liens qui nous unissent à un lieu, une langue, une communauté de gens, qu’à ces chaînes qui nous privent parfois de notre liberté… En quoi s’agit-il d’un thème pertinent dans la Malaisie actuelle et pour le monde littéraire en général ?

Je trouve qu’il s’agit d’un thème très important pour nous à l’heure actuelle, et j’ai délibérément choisi d’inviter deux auteurs indigènes (NdT: Mahat Akiya pour la Malaisie, Ali Cobby Eckermann pour l’Australie) pour qu’ils abordent ouvertement des sujets dont on n’entend très peu parler. Par ailleurs, je pense que ce thème garde toujours sa pertinence dans le monde littéraire car il permet d’envisager un sentiment d’« appartenance », et donc l’existence d’un « lieu » originel, qu’il soit réel, imaginaire, construit sur des faits, ou même intérieur. Chacun de nous écrit pour s’efforcer de raconter des histoires dans un lieu et une époque bien précis, et c’est le contexte de ces espaces réels ou fantasmés qui donne naissance aux textes fascinants qu’il nous sera donné de découvrir cette année.

Après A. Samad Said l’année dernière, vous avez choisi Lat en tant qu’invité d’honneur du festival. Que représente Lat pour vous ?

LatLat est une véritable icône pour beaucoup de Malaisiens, et pour moi qui ai grandi à Ipoh, il a marqué mon enfance de façon indélébile. C’est un merveilleux conteur, et sa manière de combiner les mots au dessin et de rendre le tout si accessible, si drôle et si authentique évoque en moi de nombreux et précieux souvenirs. L’inviter cette année était un vrai coup de dé car je n’étais pas sûre qu’il accepte, mais après deux longs mois (je suis très persévérante), il a finalement accepté. Il dit que les jours où il « passait son temps sur la route » sont désormais derrière lui, et nous sommes donc vraiment très chanceux de l’avoir avec nous pour le festival.

Pour cette troisième édition, vous disposerez de plusieurs noms connus de la littérature malaisienne qui rayonnent à l’étranger, dont Lat bien sûr, mais aussi Shamini Flint, Preeta Samarasan, Tash Aw et Tan Twan Eng, tous traduits en de nombreuses langues. Un moyen de créer un lien plus fort entre les lecteurs malaisiens et leurs auteurs, qui pour beaucoup vivent à l’étranger ? Est-ce nécessaire selon vous ?

C’est toujours une bonne chose de voir les écrivains malaisiens se rassembler, peu importe qu’ils habitent ici ou ailleurs, d’autant plus qu’aujourd’hui plusieurs d’entre eux sont reconnus internationalement pour leurs écrits. Les avoir tous réunis pour ce festival est un réel plaisir. Bien sûr, il y a des questionnements qui entourent leurs raisons de s’expatrier, et cela fera l’objet d’une de nos discussions au cours du festival.

Parmi les auteurs étrangers qui ont accepté votre invitation, on remarque beaucoup d’éclectisme avec des auteurs venus des États-Unis, du Canada, d’Europe, d’Australie, et bien sûr d’Asie… Est-ce difficile, en tant que curatrice, de rassembler chaque année un panel aussi varié et talentueux d’auteurs étrangers ?

Ali Cobby EckermannLa préparation prend des mois de travail. Elle est parfois laborieuse du fait que nous soyons un petit festival, et la sélection des participants n’est pas toujours chose facile. J’ai de la chance de participer à de nombreux festivals à travers le monde et j’ai donc l’occasion de rencontrer beaucoup d’écrivains, mais établir une liste de noms prend du temps. L’une de mes principales considérations pour un évènement comme le nôtre est que l’échange doit rester central ‒ pour que chacun puisse passer de bons moments avec les auteurs, exprimer et échanger des idées, apprendre à se connaître pour finalement repartir avec un joli lot de souvenirs et d’amitiés durables.
Une fois que la liste des participants est confirmée, il me reste encore à organiser les discussions de groupe et à les nommer. Je ne choisis que des titres de chansons, de films ou de livres, ou bien des citations célèbres. Cette année, il y a une séance baptisée « The Horror, The Horror », tirée du film Apocalypse Now. L’année dernière nous en avions une du nom d’« Imaginary (Home)lands », un livre de Salman Rushdie, et une autre du nom de « The Mind of the Malay Author », un livre de Muhammad Haji Salleh. Cette année, j’ai aussi une rencontre intitulée « Infinite Possibilities », un slogan assez populaire ces derniers temps. Bref, je m’amuse beaucoup à inventer des noms pour les discussions, puis vient le moment où je dois leur attribuer des participants – qui va où et qui modère. Pour cela, il me faut bien connaître les écrivains et leurs travaux, ce qui peut prendre plusieurs semaines de préparation et d’organisation.

Vous êtes vous-même un écrivain prolifique, et vous avez récemment participé au Ubud Writers & Readers Festival ainsi qu’au Singapore Writers Festival. Quels sont selon vous les atouts de George Town, et quels seraient les domaines où votre jeune festival pourrait s’inspirer d’eux ?

Bernice Chauly - OnkaloCes deux festivals existent depuis de nombreuses années, il y a donc toujours quelque chose à en apprendre. Mais ce qui différencie notre festival, c’est qu’il est petit et très intime. Les festivals d’Ubud et de Singapour comptaient chacun près de 200 participants cette année. Ils sont d’une échelle incomparable, avec quelques centaines d’évènements répartis sur plusieurs jours. De notre côté, nous aurons cette année trente participants ‒ modérateurs inclus ‒ et une trentaine d’évènements répartis sur trois jours. Cela reste un festival gérable, en phase avec la démographie de George Town. Il est adapté à la taille et à l’échelle du site historique de la ville ainsi qu’aux lieux qui nous accueillent. Plus important encore, il est adapté à notre budget. L’un des autres aspects du George Town Lit Fest est qu’il célèbre la littérature mondiale, et c’est pourquoi nous avons des auteurs qui s’expriment sur scène en diverses langues.

Votre dernier recueil de poésie, Onkalo, vient récemment d’être publié chez Math Paper Press (Singapour, 2013). Aurons-nous le plaisir de vous entendre lire quelques lignes sur scène lors du festival ?

En tant que curatrice, je pense que je vais d’abord me concentrer sur mon travail. Viendront encore beaucoup d’autres occasions pour que je me fasse entendre en tant que poète.

Retrouvez cet entretien en version originale.

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