Dictionnaire Insolite de la Malaisie

Serge Jardin nous invite aujourd’hui à découvrir l’un des tout derniers ouvrages sur la Malaisie parus en français : le Dictionnaire Insolite de la Malaisie, d’Antonio Guerreiro (Cosmopole, 2015). De sa lecture attentive, il nous donne un compte-rendu complet qui, à l’approche des fêtes, devrait inciter plus d’un parmi vous à mettre la main sur ce petit ouvrage bienvenu pour mieux comprendre certaines facettes de la Malaisie.

Guerreiro - Dictionnaire insolite de la MalaisieLe Dictionnaire Insolite de la Malaisie est un livre de poche, à la couverture agréablement illustrée de batik. C’est un dictionnaire qui compte environ 180 entrées. L’intérêt est évident tant les ouvrages en français sur la Malaisie sont si peu nombreux. C’est un petit dictionnaire, mais il choisit le parti pris d’être insolite. Le plan est bien sûr alphabétique, d’Adat à Zheng He.

Quelques mots sur l’auteur

Cosmopole a fait appel à l’un des rares connaisseurs de ce pays en France, Antonio Guerreiro. C’est un anthropologue dont le terrain d’étude principal est Bornéo, mais il s’intéresse aussi aux Orang Asli de la péninsule et à l’explorateur Jacques de Morgan, en compagnie desquels celui-ci parcourut le Pérak en 1884. Il est attaché au CNRS à l’Université d’Aix-Marseille et c’est aussi un expert auprès du musée du Quai Branly à Paris.

Les sujets les plus variés

Antonio Guerreiro

Antonio Guerreiro

On y trouve des expressions communément utilisées en Malaisie, bien mystérieuses pour l’étranger comme alamak, boleh et pondan. La politique est bien sûr présente, avec au cœur la question ethnique : The Malay Dilemma du Dr M, ou bien Hindraf. Les spécialités culinaires ne sont pas oubliées, et vous découvrirez ce qu’est le belacan, le laksa ou bien encore le roti canai. On présente les auteurs étrangers qui nous ont racontés la Malaisie comme le Français Pierre Boulle, l’Anglais Anthony Burgess et l’Américain Paul Théroux. Il y des lieux incontournables fréquentés par les touristes comme le Coliseum, le FRIM, Jonker Walk et la Vallée de la Danum. Les animaux ne sont pas oubliés (tapir, tarsier) et les hommes non plus bien sûr (Bajau, Jawi, Mamak).

Avec plus de 30 entrées, les deux états du Nord Bornéo, le Sabah et le Sarawak sont plutôt bien représentés. Nul ne s’en étonnera, c’est le terrain de prédilection de l’auteur, et nul ne s’en plaindra. En effet c’est plutôt généralement l’inverse. La plupart des ouvrages (économiques, historiques, ou culinaires…) privilégient la Péninsule au détriment de Bornéo. Alors ne faisons pas la fine bouche avec pêle-mêle, Bajau, Bejalai, Bilum, James Brooke, Charles Hose, Rumah panjang, Sandokan, Sapé ou bien encore Tun Jugah.

Il s’agit d’un dictionnaire insolite et l’auteur explique des concepts ou des objets généralement absents des ouvrages touristiques. Combien de ces mots avez-vous déjà rencontrés ? En connaissez-vous le sens ? Dondang sayang, Gila-Gila, Keramat, Latah, Mak yong, Zapin ?

Quelques coquilles

  • Amok : « La cause de l’amok, pour certains psychiatres, serait due aux humiliations subies par les Malais dans le contexte colonial du XIXe siècle. » N’en déplaise aux psychiatres, dès 1518 Le Livre de Duarte Barbosa mentionne le Javanais amok de Malacca.
  • Ecoles tamoules : « La première, ouverte à Penang en 1816, la Penang Free School, est toujours en activité. » Il s’agit de la première école anglaise de l’île, et non tamoule.
  • KLIA : « … à environ 70 km à l’est de la ville ». Au sud-ouest bien sûr.
  • Melaka : « habitée par quatre communautés… au confluent de la rivière Melaka… les maisons du centre ville y ont été restaurées avec soin. » Il y a plus de trente communautés, la ville est située sur l’estuaire de la rivière, et concernant la restauration, on est encore loin du compte, mais les choses vont dans le bon sens.
  • Penang : « l’île de Penang forme l’un des onze états de la péninsule. » Outre l’île, l’état du même nom est formé de Seberang Perai (ex Province Wellesley) située sur le continent, plus de deux fois plus grande que l’île.
  • Peranakan : « A Melaka, les Peranakan comptent aussi les Chitties, des Indiens Chettiars mariés à des femmes malaises. » Si au XVème siècle le Chitty est souvent un Chettiar, à partir du XIXème, le Chettiar qui appartient à une caste de riches commerçants est un banquier, tandis que le Chitty est le métis tamoul sivaïte marié localement et largement acculturé.
  • Rafflesia : « L’énorme fleur rouge de la forêt de Bornéo ». On la trouve aussi en Péninsule.
  • Rulers : « la constitution de 1955… Les sultans sont aussi flanqués d’un gouverneur (Yang di-Pertua Negeri), nommé par l’administration de chacun des états. » La constitution de 1957… Il y a un gouverneur dans les quatre états de la fédération (Melaka, Penang, Sabah et Sarawak) qui n’ont pas de sultan. Ils sont nommés par le Yang di-Pertuan Agong, le chef de l’état malaisien, sur avis du Premier ministre. Les sultans et les gouverneurs sont respectivement « flanqués » d’un menteri besar (grand ministre) et d’un chief minister (chef ministre), élu et chargé du pouvoir exécutif dans leur état respectif.
  • Zheng He : « Un musée a été installé dans cette dernière ville dans une ancienne maison chinoise. » Le musée occupe à Melaka, le site de sept shophouses anciennes qui ont été détruites pour réaliser ce projet. « La colline de « San Bao », appelée Bukit Cina (la colline chinoise)… ». La relation entre l’amiral et la colline est hypothétique. La présence d’une statue de l’amiral dans le temple funéraire de Poh San (ou Sam Poh) dédié à Tua Pek Kong construit au pied de la colline en 1795 entretient la confusion.

Qu’aurais-je ajouté ?

Si les auteurs étrangers sont bien représentés, il est dommage qu’aucun auteur malaisien n’est trouvé grâce, que ce soit un poète ou un romancier parmi la vingtaine d’œuvres que l’on peut lire en français. On regrettera aussi l’absence des artistes contemporains, que ce soient les peintres ou bien encore les danseurs.

On aurait aimé davantage de destinations touristiques encore peu fréquentées, comme la vallée de la Bujang et ses ports-entrepôts préfigurant Malacca, et la vallée de la Lenggong, inscrite au patrimoine universel de l’UNESCO en 2012. Du côté de Bornéo, au Sabah la dernière frontière sauvage, le bassin de la Maliau et au Sarawak, Bario le Pays Kelabit.

Curieusement deux tissus, parmi les plus beaux souvenirs que l’on puisse ramener de Malaisie sont trop rapidement cités au milieu des divers textiles: le pua kumbu des Ibans et le songket des Malais. Ils auraient sans doute mérité une entrée chacun.

Le plaisir de découvrir

Après la lecture du Dictionnaire insolite, vous ne confondrez plus L’inspecteur Singh et Karpal Singh, Lat et Lah, Orang Asal et Orang Asli, Penang et Penan… Bref, vous pourrez briller dans les salons parisiens ou étonner vos amis malaisiens.

Ne boudons pas notre plaisir, j’ai appris beaucoup de choses sur les cultures de mon pays d’adoption, et ce Dictionnaire insolite s’impose comme un compagnon indispensable au voyage en Malaisie, qu’il s’agisse d’un voyage d’agrément ou d’un séjour professionnel de plus longue durée, dans les deux cas, apprivoiser l’insolite est nécessaire. Il prendra peu de place et viendra fort à propos compléter le guide de voyage.

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