Le mercredi 8 février prochain à partir de 20h, se déroulera chez Silverfish Books, à Bangsar, une rencontre littéraire sur le thème de la traduction littéraire. Pour l’occasion, Raman Krishnan, le fondateur et gérant de la librairie-maison d’édition, a invité le traducteur français Frédéric Grellier à venir parler de son métier. Une rencontre qui s’annonce passionnante, tant on connaît les talents de passeur de ce traducteur hors du commun, car… non-voyant. Nous reprenons ci-dessous la présentation de l’événement donnée sur le site de Silverfish Books.
Il n’est pas rare d’entendre certains clients de Silverfish Books dire qu’ils ne lisent pas de livres en traduction en raison de ce qui se perd, ce qui, pour nous, s’apparente à une vision de la vie très « verre à moitié vide ». Pourquoi ne pas regarder, plutôt, ce qui se gagne ? Combien peuvent prétendre avoir lu l’Enéide dans sa version originale ? Ou, plus proche de nous, le Ramayana ? Ou les milliers de ces autres livres qui ont changé nos vies ?
L’importance de ces livres réside peut-être, non pas dans le simple fait qu’ils soient des traductions d’histoires, mais aussi dans le fait qu’ils traduisent des idées, des cultures. Le terme de « traducteur » est un pis-aller, qui réduit l’importance du travail que celui-ci effectue. En vérité, un traducteur est un écrivain à part entière, un auteur même. Un traducteur lit une œuvre dans une langue étrangère et la réimagine dans la sienne, réinterprétant au passage les nuances culturelles du livre d’origine. Plus l’œuvre est littéraire, plus difficile sa tâche en est rendue.
J’ai lu le livre de Christopher MacLehose sur l’époque où celui-ci travaillait chez Harvill (aujourd’hui Harvill Secker, du groupe Random House) et où il apporta au monde anglophone des dizaines d’auteurs étrangers comme José Saramago, Haruki Murakami, W.G. Sebald, Claudio Magris and Javier Marías, sans oublier Stieg Larsson.
En 2012, MacLehose disait dans une interview accordée au Guardian : « Je pense sincèrement que toute traduction d’une certaine densité littéraire doit être traitée comme un texte original. » En cela il reste une exception. Les Européens sont bien plus ouverts aux idées « étrangères » que les Anglo-Americains. Et les Français en particulier, comme j’ai pu le découvrir.
Une présentation de la conférence, par Frédéric Grellier
De nos jours, qui a besoin des traducteurs ? La planète entière semble plus qu’heureuse de s’exprimer en globish et de faire confiance à Google Translate pour ce qui est de déchiffrer tout idiome méconnu.
Et pourtant, depuis Babel, la plupart des humains qui ont voulu se plonger dans les histoires telles qu’elles sont racontées à travers le monde l’ont fait en traduction. Hormis les polyglottes, la majorité des lecteurs font l’expérience de Tolstoï, Shakespeare, Murakami et Stephen King, non pas dans la langue originelle de ces auteurs, mais grâce aux mots imaginés par quelqu’un d’autre.
Je suis traducteur depuis plus de vingt ans, m’attachant surtout à la traduction de romans policier de langue anglaise et d’auteurs comme Lawrence Block, Sara Paretsky, Stan Jones, David Fulmer, Erin Hart, Laura Lipmann et Jonathan Kellerman.
Ce mercredi 8 février, je tenterai de donner un aperçu de ce qu’il se passe dans la tête d’un traducteur, de sa perspective sur les mots et l’écriture. Avec cette particularité, qui est la mienne, que je suis non-voyant.
À propos de Frédéric Grellier
Frédéric Grellier est traducteur depuis une vingtaine d’années et a traduit en français une cinquantaine de romans, principalement américains et britanniques. Quand j’ai visionné sa vidéo pour le TedxTalks, j’ai appris qu’il avait perdu la vue de façon graduelle et tardivement (j’ai alors pensé à Borges, qui avait perdu la vue au moment de sa nomination en tant que directeur de la bibliothèque nationale d’Argentine). Frédéric était en pleine traduction de son quatrième roman quand il s’est rendu compte que ses yeux ne pouvaient plus. Il dit : « Au début, je ne voulais pas entendre parler des technologies disponibles. J’ai envisagé de changer de carrière, mais après deux ans, peut-être en raison de l’acceptation de ma cécité, j’ai repris ma carrière de traducteur avec un grand bonheur. »
Lieu et horaires de la rencontre :
Mercredi 8 février à 20h
Silverfish Books
20-2F, Bangsar Village
2 (Second) Floor, Bangsar Baru
59100 Kuala Lumpur
Entrée libre.