Cecil Rajendra, le « poète-avocat »

Nous vous proposons aujourd’hui à la fois une lecture et un hommage. Une lecture, tout d’abord : celle entreprise par Serge Jardin de l’ouvrage Personal & Profane, de Cecil Rajendra, paru en 2015 aux éditions Clarity Publishing. Un vibrant hommage, surtout : celui que rend – en vers, s’il vous plaît – ce même Serge Jardin à l’auteur, au « poète-avocat » un temps nominé – qui s’en souvient ? – pour le prix Nobel de littérature. Un retour en arrière bienvenu, en cette période où culmine plus que jamais la question de nos droits et de nos devoirs en tant qu’humains partageant, ensemble et avec les autres espèces vivantes, une seule et même planète.

par Serge Jardin

Cecil Rajendra, Personal & Profane, Penang, Clarity Publishing, 2015.

Il s’agit d’une sélection de poèmes pour fêter les 50 ans écoulés depuis le premier livre de Cecil Rajendra.

Si nous en croyons Wikipedia, Cecil Rajendra est né à Penang en 1941. C’est un poète et un avocat malaisien. Ses poèmes ont été publiés dans plus de 50 pays et traduit en plusieurs langues.

Bien que les travaux de Rajendra soient largement acclamés à l’étranger, en Malaisie ses œuvres sont à peine reconnues. Cecil Rajendra, surnommé « le poète-avocat », écrit des poèmes très controversés qui traitent des droits de l’homme et des problèmes environnementaux. En tant qu’avocat, son travail met l’accent sur l’aide aux personnes les plus pauvres qui ont besoin d’assistance juridique. Il est co-fondateur du Centre d’Aide Légal de Penang (PLAC).

En 1993, il s’est vu retiré son passeport par le gouvernement malaisien, pour l’empêcher de voyager. Un porte-parole du gouvernement a déclaré : « Le passeport de M. Rajendra lui a été retiré à cause de ses activités contre l’exploitation de la forêt, on a considéré que ses activités pouvaient nuire à l’image du pays à l’étranger. »

En 2005, Cecil Rajendra a été nommé pour le prix Nobel de littérature, mais le jury lui a préféré Harold Pinter.

Pour votre passeport rendu à l’arbre et la forêt
Pour faire de l’art avec des « slogans approximatifs »

Pour chacun de vos poèmes comme un acte de résistance
Pour ne jamais oublier d’être terriblement en colère
Pour ce veston noir qui vous attend dans la salle d’audience
Pour dire « Je ne sais quoi » et « presque rien »
Pour n’avoir jamais dit une seule fois « je t’aime » à Paris
Pour tout ce qui a été dûment enregistré
Pour ces millions d’enfants abandonnés
Pour cette déesse noire, de velours et de feu, Guinness
Pour Frantz Fanon qui vous a donné la fierté d’être noir
Pour ces six milliards d’hommes qui font la solitude
Pour les larmes du pêcheur à qui on a volé la mer
Pour le Tiers Monde qui s’entasse dans le bus de six heures
Pour être tout à la fois lamentation et célébration
Pour être un poète et ne jamais jamais désespérer

Pour chaque seconde où un enfant meurt de faim
Pour la bonne conscience qui roule en BMW
Pour le prix que vous payez à cause de notre silence
Pour les braves et honnêtes gens qui se taisent
Pour la faim dans le regard d’un enfant-mendiant
Pour les enfants de Malaisie que l’on appelle immigrés
Pour les brumes sèches qui rêvent de ciel bleu et de jours ensoleillés
Pour la forêt tropicale nue en Cinémascope
Pour l’ours polaire qui cherche de la glace dans mon gin
Pour la Loi sur les Animaux et les Insectes enfin
Pour tenir la lampe allumée quand la majorité silencieuse dort
Pour l’homme désarmé devant une arme qui tremble
Pour cette brutale injustice qu’on appelle la peine de mort
Pour cette décoration épinglée qui n’a pas honte
Pour parler toujours quand la justice est muette
Pour attendre de ne célébrer aucune fête jusqu’à ce que…

Pour tout cela et bien plus encore, merci Cecil Rajendra.

Laisser un commentaire