Suite au lancement en Malaisie du livre Malaisie-France : un voyage en nous-mêmes et en attendant sa sortie française prévue pour octobre, nous partons à la rencontre de Stéphane Dovert, ancien directeur du service de coopération et d’action culturelle de l’ambassade de France en Malaisie, spécialiste de l’Asie du Sud-Est et auteur de nombreux ouvrages sur la région. Coordonnateur du projet, il nous en brosse les contours et revient sur une préparation de longue haleine et couronnée de succès.
En prévision du jubilé de l’Alliance Française en Malaisie, vous aviez lancé l’idée d’un ouvrage sur les relations entre nos deux pays. Intitulé Malaisie-France : un voyage en nous-mêmes, pouvez-vous nous présenter la ligne directrice ayant mené à la réalisation de cet ouvrage monumental ?
A la fin de l’année 2010, le comité de l’Alliance Française de Kuala Lumpur souhaitait réaliser un « livre souvenir » retraçant les cinquante ans d’histoire de l’institution. Je sais d’expérience que les ouvrages de ce type sont très périssables. Ils font légitimement plaisir à ceux qui y sont évoqués, mais ils peinent souvent à intéresser au-delà d’un cercle restreint. C’est pourquoi j’avais proposé de réorienter un peu le projet ; de préparer un livre plus ambitieux par son objet (l’ensemble de la relation franco-malaisienne), mais aussi par la période considérée, ni plus ni moins que l’histoire dans son ensemble. Comme toujours, le projet a mis plus de temps que prévu à aboutir et il est sorti du cadre qui l’avait vu émerger. D’autres partenariats se sont dessinés. L’Institut Terjemahan & Buku Malaysia (ITBM) s’est engagé sans réserve dans l’aventure. Son directeur Mohd Khair Ngadiron a apporté au projet un soutien personnel très appréciable. Le Chambre de Commerce et d’Industrie franco-malaisienne (MFCCI) a également souhaité s’associer à la démarche, de même que plusieurs entreprises françaises. Cela nous a permis d’être ambitieux ; d’envisager un très beau livre. J’étais pour ma part d’autant plus enthousiaste que tous les auteurs que j’avais pressentis avaient répondu présent. Et il y a là des personnalités du monde académique et littéraire de très grande qualité : Muhammad Haji Salleh, le fameux poète, Daniel Perret, le représentant en Malaisie de l’Ecole française d’Extrême-Orient, le Dr John Robertson ancien officier de la Royal Navy… Ce sont plus de 25 plumes qui se sont engagées dans l’exercice.
Ecrit à la fois en bahasa malaysia et en français, quelles ont été les réactions à cet ouvrage depuis son lancement, aussi bien du côté malaisien que du côté français ?
L’ouvrage est fraîchement sorti en librairie en Malaisie et ne sera disponible en France qu’en octobre. Il est donc un peu tôt pour mesurer l’impression qu’il fera à ses lecteurs. A ce stade je retiens surtout la qualité de l’évènement de sortie organisé à l’hôtel Majestic de Kuala Lumpur, un lieu en lui-même chargé d’histoire. De nombreuses personnalités du monde des arts et des lettres étaient présentes ce soir-là : Abdul Samad Said, Anwar Ridhwan, mais aussi des hommes et des femmes qui ont marqué la relation franco-malaisienne comme Tunku Naquiyuddin ibni Tuanku Ja’afar, ancien président de l’Alliance Française de Kuala Lumpur, Dato Lubna Jumabhoy consul honoraire à Penang pendant plusieurs décennies ou le chanteur Shake. Ils ont tous été très attentifs au projet et, m’ont-ils dit, très sensibles au résultat. Depuis lors, on dira que les compliments n’ont pas manqué pour saluer ce qui est avant tout une démarche collective en elle-même illustrative de la relation franco-malaisienne. En coordonnant ce projet, le service de coopération de l’ambassade a joué en quelque sorte ici un rôle de catalyseur d’un non-dit qui ne demandait qu’à s’exprimer.
La cartographie, la littérature, l’industrie, l’architecture, le voyage… Vous avez favorisé une approche thématique plutôt que simplement chronologique…
Je voulais éviter ce que j’appellerais l’ « écueil de la relation bilatérale ». Il ne fallait pas que ce livre se contente de faire l’apologie de l’ « excellence d’une relation politique et diplomatique ». Ce qui fait précisément la richesse de la rencontre franco-malaisienne, c’est la diversité des acteurs et des secteurs qu’elle implique sur la longue durée. Disons que l’appropriation des pantun par Victor Hugo, les aventures d’un charpentier de marine français dans le Terengganu ou les dessins de Lat à Paris racontent, mis bout à bout, la plus belle des histoires. Dès lors, même si les 27 chapitres suivent un ordre chronologique, on dira que ce n’est sans doute pas l’essentiel.
L’ouvrage est richement illustré. On imagine qu’il n’a pas dû être chose facile de trouver autant d’illustrations d’époque et de les organiser… Quels autres défis se sont fait jour au fil de la création du livre ?
Vous mettez ici le doigt sur un point important. Sous mon nom ou sous le pseudonyme de Gabriel Defert, j’ai écrit ou coordonné pas mal de publications. Mais en dehors d’un ouvrage portant sur l’histoire de Saigon, je n’avais jamais eu le plaisir de travailler sur ce que l’on appelle un « beau livre ». Tout cela pour dire que j’avais sous-estimé le temps et la difficulté que représentaient la recherche et l’édition des illustrations. Je ne les ai pas vraiment compté, mais il y en a sans doute au moins 150. Je suis notamment très reconnaissant à des gens comme Roland Fauconnier, fils du planteur et Prix Goncourt Henri Fauconnier, ou Jean Loriot de l’Association des amis de l’œuvre de Pierre Boulle de nous avoir ouvert leurs archives personnelles. L’historien Mathieu Guérin, attaché universitaire de l’ambassade, Laurent Metzger spécialiste de la langue malaise à l’Université de La Rochelle, Agnès de Soultrait, journaliste et collectionneuse attentive ou encore Frédéric Durand, géographe à l’Université de Toulouse le Mirail m’ont également beaucoup aidé à réunir les éléments et, ce qui n’est pas si simple, à gérer la question des droits.
Vous qui avez passé plusieurs années en Malaisie, vous donnez aujourd’hui une nouvelle orientation à votre carrière. Resterez-vous proche du monde malais, et comment voyez-vous la Malaisie évoluer (économie, éducation, politique, religion) ?
Malaisie-France, un voyage en nous-mêmes est sorti quelques semaines avant mon départ de Malaisie et j’ai eu le grand plaisir de voir qu’il avait pu être remis au Premier ministre français lors de sa visite officielle en Malaisie au mois de juillet. C’est un livre qui a été conçu pour durer. Je formulerais simplement le vœu qu’il puisse avoir la vie aussi longue que ma passion pour le monde malais. Mon devoir de réserve diplomatique m’empêche de rentrer dans les détails d’une analyse sur les fonctionnements de la Malaisie. Mais on ne peut rester trois ans dans un pays aussi intéressant sans en ressentir les pulsations, surtout quand on est politologue. Je me contenterais d’une seule remarque. La Malaisie connaît assurément un âge d’or fait de stabilité politique, de croissance économique et d’une certaine harmonie sociale. Et il me semble important qu’elle parvienne à profiter de cette période faste qui doit beaucoup à la rente pétrolière, pour surmonter ses difficultés structurelles. Peut-être suis-je en cela très Français, mais je crois que la diversité a vocation à nourrir l’unité et que l’avenir du pays passe par une véritable fusion de ses héritages. En d’autres termes : le communautarisme ne me paraît pas très porteur d’avenir.
Où peut-on se procurer l’ouvrage, en Malaisie et en France ?
En Malaisie, je vous dirais volontiers : partout. Il est normalement disponible chez les libraires des réseaux Kedai Buku 1Malaysia (à Kuala Lumpur, Kuantan et Ipoh) Kinokuniya et MPH. On peut également le commander en ligne à http://ecommerce.itbm.com.my. Pour la France, il faudra attendre le mois d’octobre. Il sera distribué par les éditions Arkuiris, partenaire du projet, et pourra être commandé chez les libraires ou directement chez l’éditeur (Editions Arkuiris, editions[.]arkuiris[at]gmail[.]com).